Acceptation par le peuple suisse de la RFFA
20/05/2019

Acceptation par le peuple suisse de la RFFA

Alors que le peuple avait rejeté le dernier projet de réforme de l’imposition des entreprises en février 2017, le projet fédéral de réforme fiscale et de financement de l’AVS (RFFA) ainsi que son pendant cantonal genevois, ont été acceptés en votation populaire le 19 mai 2019. Cette réforme permet à la Suisse de se conformer à ses engagements internationaux et de préserver, tant au niveau européen que mondial, sa compétitivité ainsi que sa prospérité.

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I.  Rappel des principales mesures prévues au niveau fédéral

Au plan fédéral, l’acceptation du projet de RFFA engendre un certain nombre de modifications de l’imposition des personnes morales et de leurs actionnaires.

L’une des mesures les plus importantes concerne la suppression des statuts fiscaux cantonaux : le système d’imposition des bénéfices à taux réduit au niveau cantonal est aboli et l’ensemble des entreprises sera imposé à un taux unique, dont la fixation relève de la compétence cantonale. Cette première mesure a pour conséquence d’augmenter le taux d’imposition des sociétés bénéficiant actuellement d’un statut privilégié et, corrélativement, de diminuer celui des sociétés imposées à l’ordinaire. Ainsi, les petites et moyennes entreprises actives principalement en Suisse bénéficieront d’une diminution importante de l’imposition sur les bénéfices.

Une seconde mesure notable concerne l’imposition des dividendes distribués par une société à ses actionnaires, personnes physiques détenant au moins 10% des parts sociales. Le droit actuel permet d’atténuer la double imposition économique de ces dividendes (car imposés à deux reprises : une fois au niveau de la société, puis, en cas de distribution, dans le chef de l’actionnaire) par l’application d’un abattement au niveau de l’actionnaire. La réforme conserve ce mécanisme mais diminue son effet correctif : les dividendes seront désormais imposés à hauteur de 70% au niveau fédéral (contre, actuellement, 60% si la participation est détenue dans la fortune privée et 50% si elle est détenue dans la fortune commerciale) et de 50% au moins au niveau cantonal. Si ces actionnaires devaient constater une augmentation de leur impôt sur le revenu, ils bénéficieraient dès lors, et indirectement, de la baisse de l’imposition cantonale sur les bénéfices des sociétés, ce qui devrait résulter en une diminution globale de leur imposition consolidée.

Au-delà de ces deux mesures phares, l’acceptation du projet de RFFA entraîne également d’autres mesures d’importance qui portent principalement sur la possibilité laissée aux cantons d’abaisser l’assiette imposable dans certaines circonstances et limites définies par la RFFA fédérale. Il s’agit notamment de mesures destinées à encourager et à développer l’innovation telles que la réduction de l’imposition au plan cantonal des bénéfices provenant de brevets ou droits comparables (régime dit de « patent box ») ou l’augmentation du plafond des déductions relatives à la recherche et au développement, d’une modification de l’imposition des réserves latentes en cas de transfert de son siège social ou de modification du régime d’imposition, d’une limitation du principe de l’apport en capital s’agissant des sociétés cotées, ou encore une abolition complète de l’exonération du gain en capital résultant de la vente d’actions lorsque l’actionnaire les vend à une société qu’il contrôle (transposition).

Les mesures fiscales précitées s’accompagnent de mesures budgétaires, notamment en matière de péréquation financière, et de mesures liées au financement de l’AVS. À ce sujet et pour faire face au défi démographique qui pèse sur les finances de l’AVS (départ à la retraite de la génération des baby-boomers), la RFFA permet l’octroi dès 2020 d’un financement supplémentaire annuel de 2 milliards de francs financé par la Confédération et par une augmentation des cotisations sociales à charge des employeurs et employés.

II.  Mise en œuvre cantonale

Le succès de la réforme au niveau fédéral s’est couplé, à Genève, d’un vote en faveur de la modification de la loi sur l’imposition des personnes morales (LIPM). Ainsi, l’ensemble des sociétés établies dans le canton sera imposé à un taux effectif unique de 13,99%, contre un taux actuel de 24,2% environ pour les sociétés ordinaires et de 11,6% environ pour les sociétés à statut privilégié. Quant à la correction de la double imposition économique des dividendes susmentionnée, le canton de Genève porte la part imposable de ces derniers de 60% à 70% pour la fortune privée et de 50% à 60% pour la fortune commerciale. Ces mesures entreront en vigueur à Genève à partir du 1er janvier 2020.

Le canton de Vaud a déjà modifié son taux d’imposition ordinaire qui s’élève désormais à 13,79%, lequel est en vigueur depuis le 1er janvier 2019. Il appliquera les mêmes taux que le canton de Genève concernant la part imposable des dividendes.

Le taux retenu par le canton de Genève se situe légèrement au-dessus de la moyenne suisse. À titre d’exemples, un taux effectif de 13,72% devrait s’appliquer dans le canton de Fribourg, 12,3% à Lucerne, 13% à Bâle-Ville, 17% au Tessin ou encore 18.2% à Zurich.

III.  Perspectives d’avenir

Les principales mesures de la RFFA entreront en vigueur le 1er janvier 2020, tant au niveau fédéral que cantonal. Dès lors, les sociétés seront imposées selon ces nouveaux standards en 2021, s'agissant de l’exercice commercial 2020.

L’acceptation de la RFFA par le peuple suisse nécessite un réexamen complet de la situation fiscale et de l’organisation de chaque contribuable. En effet, au vu de l’ampleur des impacts fiscaux de cette réforme (tant au niveau des entreprises qu’au niveau des actionnaires) et des grandes différences existant entre chaque canton dans la cadre de son implémentation, les aspects suivants doivent, notamment, être examinés avec soin :

-  Les structures de détention existantes pourraient envisager un déplacement de leur siège social afin de bénéficier d’un taux d’imposition plus attractif. Quant aux entreprises nouvelles, ce taux influencera certainement le choix du lieu d’établissement de leur futur siège social ;

-  Certaines décisions sociales pourraient également être influencées par l’entrée en vigueur de la réforme. Ainsi et dans les limites comptables acceptables, la renonciation temporaire à un bénéfice extraordinaire, voire la création d’une provision pour dissolution ultérieure, pourrait s’avérer avantageuse cette année afin de bénéficier du taux réduit en 2020. Les décisions relatives à la distribution de dividendes et/ou du split entre dividendes et salaires devront également prendre en compte le changement de législation dès le 1er janvier de l’année prochaine ;

-  Enfin, certaines activités exercées aujourd’hui en raison individuelle (nom propre) ou par le biais de société de personnes (société simple, SNC) soumises à l’impôt sur le revenu, pourraient désormais être pratiquées sous forme d’une société soumise à l’imposition sur les bénéfices (car le taux d’imposition devient plus attractif que celui de l’impôt sur le revenu). Un cas d’application typique concerne par exemple l’exercice des professions indépendantes (professions libérales notamment) ou encore la détention de biens immobiliers (détention directe vs. détention indirecte au travers d’une société.

 

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