Dénonciation spontanée, amnistie et EAR
25/10/2016

Dénonciation spontanée, amnistie et EAR

La possibilité de bénéficier d’une dénonciation spontanée non punissable ainsi que d’un rappel d’impôt simplifié pour les héritiers est offerte aux contribuables depuis le 1er janvier 2010. Le contexte actuel de transparence en matière fiscale contribue à opter pour une telle démarche. La présente Newsletter vise à rappeler les conditions d’une telle régularisation en l’intégrant dans l’environnement politique et juridique actuel, en relation avec les discussions récentes au sujet d’une éventuelle amnistie et l’introduction de l’échange automatique de renseignements (EAR).

I. Contexte

Dans le courant du siècle dernier, trois amnisties fiscales ont été accordées en Suisse (1940, 1945 et 1969). Ces amnisties avaient un caractère général, étant précisé qu’elles concernaient les impôts fédéraux, cantonaux et communaux, et supprimaient l’ensemble des conséquences fiscales (impôts et amende).

Le 1er janvier 2010 sont entrées en vigueur les dispositions légales concernant la dénonciation spontanée non punissable et le rappel d’impôt simplifié pour les héritiers. Dans le contexte actuel de transparence fiscale, une amnistie plus large est désormais proposée par certains partis politiques afin de régulariser le passé des contribuables encore réticents. A cet effet, une motion a notamment été déposée par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil National qui l’a acceptée le 22 septembre 2016 par 105 voix contre 79.

II. Législation actuelle

Le contribuable assujetti en Suisse, et l’héritier d’éléments de la fortune et de revenu soustraits par le défunt, ont la possibilité de régulariser leur situation fiscale sans subir de pénalité en se dénonçant spontanément à l’autorité fiscale compétente pour autant que les trois conditions générales suivantes soient réalisées :

- Aucune autorité fiscale n’avait connaissance de la soustraction d’impôt ;

- Le contribuable (ou l’héritier) collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer le montant de l’impôt ; et

- Le contribuable (ou l’héritier) s’efforce de s’acquitter du rappel d’impôt.

A. Dénonciation spontanée du contribuable

Si le contribuable se dénonce pour la première fois et que les trois conditions générales énumérées ci-dessus sont réalisées, le contribuable devra s’acquitter des impôts dus sur les éléments de la fortune et du revenu soustraits sur dix ans. Il devra également s’acquitter des intérêts moratoires (entre 3% et 4% pour l’impôt fédéral direct, et entre 1.5% et 3.2% pour l’impôt cantonal et communal à Genève). En revanche, aucune condamnation à caractère pénal (amende) ne sera prononcée.

En cas de dénonciation spontanée ultérieure et pour autant que les trois conditions générales soient réalisées, le contribuable devra, en plus des impôts dus et des intérêts moratoires y relatifs, s’acquitter d’une amende représentant le cinquième de l’impôt soustrait.

Dans les autres cas, les règles légales ordinaires de la soustraction d’impôt seront applicables prévoyant, en plus des impôts dus et des intérêts moratoires y relatifs, une amende pouvant aller jusqu’au triple du montant de l’impôt soustrait.

B. Rappel d’impôt simplifié pour les héritiers

Lorsqu’un héritier reçoit des éléments du patrimoine du défunt que ce dernier n’avait pas déclaré, il a la possibilité, indépendamment des autres héritiers, de déclarer spontanément ces éléments à l’autorité fiscale. Le rappel d’impôt, comprenant les impôts dus et les intérêts moratoires, sera calculé sur les trois périodes fiscales précédant le décès et non sur les dix dernières années. Aucune amende n’est prononcée dans les cas de rappel d’impôt simplifié pour les héritiers.

C. Avantages et difficultés liés à la régularisation

Depuis le 1er janvier 2010, nombreux contribuables ont saisi l’opportunité de régulariser leur situation auprès des autorités fiscales. Les avantages de la régularisation sont non seulement de pouvoir bénéficier d’une situation transparente vis-à-vis des autorités fiscales, mais surtout de pouvoir utiliser librement les fonds nouvellement déclarés, et d’éviter une amende pouvant atteindre le triple du montant de l’impôt soustrait.

Des difficultés surgissent pourtant dans certains cas. Par exemple, la situation du conjoint survivant en cas de rappel d’impôt simplifié peut être problématique. Celui-ci peut être qualifié (i) de contribuable par le fait qu’il signait la déclaration fiscale, auquel cas une reprise sur dix ans devrait être appliquée ou (ii) d’héritier auquel cas un rappel d’impôt sur trois années interviendra. En outre, la coordination entre tous les héritiers peut également s’avérer délicate si l’un souhaite régulariser les éléments hérités et l’autre non. Un autre obstacle peut également provenir de la difficulté à rassembler les documents mentionnant les éléments de fortune et de revenu soustraits pour les dix dernières années surtout lorsque des documents doivent être demandés à des établissements étrangers. D’une manière générale, il faut noter que les autorités fiscales font souvent preuve de compréhension dans ce contexte.

III. Amnistie

Les cantons du Jura et du Tessin ont introduit des dispositions légales au niveau cantonal et communal afin d’encourager les contribuables à déclarer leurs éléments soustraits. L’amnistie fiscale jurassienne aurait fait ressurgir plus d’un demi-milliard de francs suisses. Le droit tessinois prévoyait, quant à lui, l’introduction d’un rabais du taux d’impôt de 70% en cas de dénonciation spontanée (les dispositions devaient avoir une application limitée à deux ans dès leur entrée en vigueur). Faisant suite à un recours de droit public du parti socialiste, le Tribunal Fédéral a toutefois jugé que l’amnistie tessinoise était incompatible avec le droit fédéral et violait notamment l’égalité fiscale des contribuables (ATF 141 I 78).

Dans ce contexte, deux initiatives parlementaires fédérales ont été déposées en 2015. Ces initiatives visaient à favoriser la régularisation en matière fiscale et prévoyaient des conditions plus favorables que le droit actuellement applicable. Elles ont été retirées cette année.

En juin 2016, une motion a finalement été déposée devant le Conseil National par sa Commission de l’économie et des redevances. Dans la mesure où l’introduction d’une amnistie cantonale n’est plus possible selon la législation fédérale actuelle et suite à la décision du Tribunal Fédéral citée ci-dessus, cette motion vise à charger le Conseil Fédéral de soumettre à l’Assemblée Fédérale un projet de modification législative autorisant les cantons à proposer une amnistie fiscale unique en octroyant des rabais en matière de rappel d’impôt. Malgré la proposition de rejet du Conseil Fédéral, le Conseil National a accepté, le 22 septembre dernier, la motion par 105 voix contre 79. Cette motion doit encore être approuvée par le Conseil des Etats afin que le Conseil Fédéral soit investi de la mission de proposer une modification législative. Il est prévu que les sénateurs se prononcent à ce sujet durant la session d’hiver du 28 novembre au 16 décembre 2016. Notons encore que la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats vient de proposer le rejet de cette motion par 10 voix contre 1 (communiqué du 14 octobre 2016).

IV. Echange automatique de renseignements

Les déclarations communes ou accords bilatéraux dans le cadre de l’EAR prévoient une collecte de renseignements dès 2017 et un échange dès 2018 pour autant que les bases légales soient implémentées dans les pays en question. Les autorités fiscales suisses seront donc informées sur les avoirs des contribuables suisses détenus dans les Etats participant à l’EAR.

Pour plus de détails, veuillez consulter notre Newsletter du mois d’avril 2016 qui traite spécifiquement de l’EAR.

V. Conclusion

La dénonciation spontanée non punissable et le rappel d’impôt simplifié pour les héritiers sont plus que jamais d’actualité et permettent aux contribuables de régulariser leur situation en évitant de payer une amende.

Même si les sénateurs devaient accepter la motion déposée récemment, ce qui est peu probable, le chemin est encore long avant l’entrée en vigueur d’une éventuelle amnistie au niveau cantonal. En effet, en cas d’acceptation par les deux chambres, le Conseil Fédéral devrait alors soumettre un projet de loi au Parlement qui pourra encore faire l’objet d’un référendum.

Enfin, l’EAR fera obstacle à une des conditions de la dénonciation spontanée non punissable dans la mesure où celle-ci ne pourrait plus être qualifiée de spontanée étant donné que les autorités fiscales détiendront l’information pour les avoirs non déclarés dans un pays participant à l’EAR.

La transparence fiscale qui s’impose actuellement devrait inciter les contribuables qui détiennent des avoirs non déclarés à envisager la voie de la régularisation par l’application des dispositions aujourd’hui en vigueur. Le temps ne jouant pas en faveur des avoirs non déclarés, l’introduction d’une demande de régularisation devrait être effectuée dans les meilleurs délais afin d’éviter toute poursuite pénale.

Newsletter - Octobre 2016.pdf

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