Réforme Fiscale et Financement de l'AVS (RFFA)
31/10/2018

Le Conseil fédéral adoptait le 21 mars 2018 le message relatif au Projet fiscal 17 (PF 17). Ce nouveau projet faisait suite au rejet par le peuple suisse de la troisième réforme de l'imposition des entreprises (RIE III). Le 28 septembre 2018, le Parlement fédéral a adopté en vote final le projet de réforme fiscale et de financement de l'AVS (RFFA). Ce texte remplace le PF 17 et tente de fournir un « compromis équilibré » qui soit accepté par le plus grand nombre. Le projet de RFFA s’inscrit dans l'évolution internationale en matière d'imposition des entreprises qui ne tolère plus de traitements privilégiés selon l’origine des revenus mais également dans un contexte de concurrence accrue tant au plan européen que mondial. 

I. Contexte

Le peuple suisse a rejeté la RIE III le 12 février 2017. Le Conseil fédéral a ainsi dû réagir rapidement en proposant un projet alternatif et plus consensuel susceptible d’obtenir une acceptation large des acteurs politiques et du peuple suisse en cas de référendum. C’est dans ce contexte que s’est inscrit, en mars 2018, le PF 17.

Le PF 17 visait à garantir aux entreprises suisses une fiscalité compétitive tout en rétablissant la reconnaissance internationale de la législation fiscale suisse. Certains éléments centraux de la RIE III avaient été maintenus dans le nouveau projet, comme l’élément clé de la réforme, à savoir l’abolition des statuts fiscaux cantonaux. D’autres éléments avaient été en revanche abandonnés ou atténués, tels que la question de la déduction des intérêts notionnels ou encore celle du régime fiscal applicable à la patent box.

Le Parlement s'est prononcé définitivement sur le PF 17 lors de la session d'automne en adoptant le 28 septembre 2018 le projet de RFFA. Ce dernier reprend pour l'essentiel le contenu du PF 17. Il procède également à quelques ajustements, tels que la réintroduction d'une éventuelle déduction des intérêts notionnels (avec un champ d'application très limité) ou encore le financement complémentaire de l'AVS. Dans un contexte politique épineux, cette dernière mesure de compensation sociale vise à assurer une acceptation plus large de la réforme et à éviter un nouveau refus par le peuple en cas de référendum.

II. Mesures prévues par le projet de RFFA (résumé)

Diverses mesures fiscales sont prévues. Parmi les plus importantes, on peut citer :

-      L’abolition des régimes fiscaux cantonaux et de certaines modalités d’imposition au niveau fédéral (finance branch, sociétés principales) ;

-      Au plan cantonal, pour atténuer le passage au système d’imposition ordinaire, les réserves latentes (y compris le goodwill) constituées sous les anciens régimes cantonaux pourront être constatées et imposées séparément au cours des 5 années suivant l’abolition desdits régimes ;

-      L’introduction d’une patent box obligatoire à l’échelon cantonal pour les brevets et droits analogues accordant une diminution de l’impôt sur le bénéfice maximal de 90% (les modalités précises d’imposition sont détaillées dans une ordonnance fédérale) ; 

-      La possibilité pour les cantons de prévoir des déductions fiscales supplémentaires au profit de la recherche et du développement (R&D) ;

-      Les entreprises étrangères qui s’installent en Suisse pourront déclarer leurs réserves latentes (y compris le goodwill) sans conséquences au niveau de l’impôt sur le bénéfice (step-up). L’amortissement ultérieur de ces réserves latentes sera déductible ;

-      Au plan cantonal, les réductions fiscales globales relatives à la patent box, les déductions supplémentaires R&D, la déclaration des réserves latentes, ainsi que les déductions pour autofinancement, ne doivent pas réduire le bénéfice imposable de plus de 70% ;

-      Les cantons peuvent réduire l’imposition du capital lié aux brevets ou droits analogues, à des droits de participations, ainsi qu'à des prêts internes au groupe ;

-      Afin d’éliminer la double imposition internationale, les établissements stables suisses de sociétés étrangères bénéficieront de l’imputation forfaitaire de l’impôt ;

-      Le seuil de 5% applicable à la transposition (vente à soi-même) sera supprimé de sorte que tous les transferts à une société que l’on contrôle pourront engendrer une imposition ;

-      Le principe de l'apport de capital est modifié pour les sociétés cotées dans une bourse suisse.

Diverses autres mesures ont également été introduites afin d’équilibrer le projet :

-      Augmentation de l’imposition des dividendes provenant des participations qualifiées détenues dans la fortune privée : 70% au niveau fédéral et au minimum 50% au niveau cantonal (actuellement nous avons un seuil de 60% au niveau fédéral et aucun seuil minimum au niveau des cantons) ;

-      Augmentation de la quote-part cantonale à l’impôt fédéral direct : passage d’une quote-part de 17% à 21.2% (et prise en considération adéquate des villes et des communes) ;

-      Ajustement de la péréquation financière pour limiter les différences entre cantons ;

-      Compensation des pertes de recettes résultant de la réforme fiscale (environ CHF 2 milliards par an) par un financement complémentaire de l'AVS.

III. Étapes futures

Au vu du caractère urgent de la réforme consécutif au retard pris par le rejet de la RIE III et aux développements internationaux, le projet de RFFA propose un calendrier ambitieux.

L'échéance du délai référendaire est fixée au 17 janvier 2019. En l’absence de référendum, les premières modifications légales pourraient déjà entrer en vigueur en janvier 2019. La majorité d’entre elles entreront toutefois en vigueur en 2020. Si un référendum est demandé, le peuple sera appelé à se prononcer très certainement le 19 mai 2019.

Dès la mi-juin 2019, les cantons devront mettre en œuvre la réforme au niveau cantonal afin d'assurer une entrée en vigueur des dispositions dès le début de l'année 2020.

IV. Situation cantonale : Vaud et Genève

Avec l’abandon des statuts fiscaux et l’accroissement de la concurrence fiscale étrangère, les cantons doivent réagir s’ils veulent maintenir leur attractivité sur le plan international.

Ceci est particulièrement vrai pour les cantons de Vaud et de Genève où de nombreuses sociétés multinationales au bénéfice desdits statuts se sont implantées ces dernières décennies.

Dans cette logique et sans avoir attendu l’issue de la procédure législative fédérale, le canton de Vaud a d’ores et déjà adopté la baisse du taux cantonal d’imposition unique du bénéfice des entreprises (taux global effectif passant à 13.79% dès le 1er janvier 2019). L’objectif de cette anticipation est de fournir le plus rapidement possible un message clair et de rassurer les entreprises internationales. Cette réforme a fait l’objet d’un référendum au plan cantonal en 2016 et a été acceptée par 87% des vaudois.  

A Genève, avec l'adoption par les Chambres fédérales du projet de RFFA, le Conseil d'Etat genevois a dû revoir son propre projet de réforme, notamment s'agissant de son volet social. Faisant suite à une large consultation des milieux concernés, le projet révisé a été présenté le 17 octobre 2018. Il prévoit notamment un taux d'imposition unique sur les bénéfices réduit à 13.79% (remplaçant le taux actuel de 24.16%) et une imputation partielle à 50% de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital pendant 5 ans, puis une imputation à 100%. Le Conseil d'Etat a également retiré de son projet certaines mesures de compensation sociale ayant pour effet un double prélèvement sur la masse salariale et, par conséquent, une augmentation excessive du coût du travail. Le projet est désormais entre les mains du Grand Conseil genevois et une votation au niveau cantonal sera très certainement organisée en mai 2019.

Newsletter - Octobre 2018.pdf

Retour