Les mesures visant à endiguer la propagation du coronavirus en Suisse n’ont cessé de se renforcer depuis fin février 2020, menant à un ralentissement généralisé de l’activité économique. Les entreprises doivent s’adapter à cette situation insolite et optimiser leurs dépenses en présence d’une réduction, voire d’une absence, de chiffre d’affaires. Face à ces difficultés, le Conseil Fédéral a adopté – et continue d’adopter – un certain nombre d’ordonnances visant à soutenir l’ensemble des acteurs économiques. Voici un panorama des principales mesures qui devraient permettre aux entreprises d’atténuer les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19 et d’assurer une continuation de leur exploitation.
I. En droit commercial
1. Suspension des poursuites
Les procédures de poursuites ont été suspendues entre le 19 mars et le 4 avril 2020. Aucun acte de poursuite ne peut donc être entrepris par les autorités d’exécution (notamment les offices des poursuites) à l’encontre d’un débiteur pendant cette période. Les créanciers doivent toutefois continuer leurs démarches à l’encontre de leurs débiteurs afin de préserver leurs droits.
2. Garantie de crédits transitoires
Un mécanisme de cautionnement de crédits transitoires a été mis en place pour faire face au manque de liquidités. Une entreprise peut requérir d’une organisation de cautionnement reconnue qu’elle se porte caution solidaire d’un crédit sollicité auprès de son établissement bancaire d’un montant de 10% maximum de son chiffre d’affaires annuel et jusqu’à un montant maximum de CHF 20 millions. Le mécanisme s’adresse à toute entreprise individuelle, société de personne ou personne morale ayant son siège en Suisse qui (i) a été fondée avant le 1er mars 2020, (ii) n’est pas en faillite, en procédure concordataire ou en liquidation, (iii) est substantiellement affectée sur le plan économique en raison de la pandémie de COVID-19, (iv) n’a pas obtenu une autre garantie de liquidités de la part de la Confédération dans les domaines de la culture et du sport et (v) dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 500 millions de francs. La procédure d’octroi du crédit, l’étendue de la garantie et le taux d’intérêt diffèrent suivant que le montant du crédit est inférieur ou supérieur à CHF 500’000. La demande de crédit peut être formulée par les entreprises concernées jusqu’au 31 juillet 2020. Un crédit d’engagement de CHF 20 milliards (montant qui sera vraisemblablement augmenté dans les jours qui viennent) a été approuvé pour couvrir les éventuelles pertes subies par les organisations de cautionnement reconnues.
3. Prolongation du délai de résiliation des contrats de bail
Le Conseil Fédéral a décidé de prolonger le délai octroyé aux locataires, en demeure pour retard de paiement, pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires échus entre le 13 mars et le 31 mai 2020 avant que le bailleur ne puisse résilier le contrat de bail. Le retard de paiement doit être dû à des mesures ordonnées par les autorités pour lutter contre le coronavirus. Pour les baux d’habitation et les locaux commerciaux, le délai de 30 jours prévu à l’art. 257d al.1 CO est porté à 90 jours.
Cette mesure ne permet pas au locataire de suspendre le paiement des loyers d’habitation ou de locaux commerciaux. Il est ainsi recommandé, à ce jour, de se tourner vers le bailleur afin de négocier un délai ou une remise de paiement en cas de difficultés financières.
Une task force composée de divers représentants actifs dans le domaine immobilier a été instituée le 24 mars dernier par le Conseil Fédéral. Elle est chargée de présenter de nouvelles mesures dans le domaine du droit au bail si cela devait s’avérer nécessaire.
4. Maintien des obligations contractuelles
La pandémie de COVID-19 ne permet pas, de manière générale, de se départir de ses obligations contractuelles. Néanmoins, lorsqu’un contrat commercial représente une lourde charge pour une entreprise, une revue de ses clauses contractuelles peut être envisagée afin d’évaluer les possibilités d’en suspendre son exécution, voire de s’en départir.
5. Tenue virtuelle des assemblées de sociétés
Les assemblées de sociétés ne peuvent être tenues en personne en raison de l’interdiction de toute manifestation publique ou privée jusqu’au 19 avril 2020. Ainsi, afin de maintenir la tenue de l’assemblée, il peut être imposé à leurs participants d’exercer leurs droits exclusivement (i) par écrit ou sous forme électronique ou (ii) par l’intermédiaire d’un représentant indépendant. L’organisateur de l’assemblée doit en aviser les participants au moins 4 jours avant sa tenue.
II. En droit social
1. Recours facilité au chômage partiel
Afin de diminuer la charge que représente le paiement des salaires dans des entreprises touchées par une baisse d’activité, les règles applicables en matière de réduction de l’horaire de travail (chômage partiel) ont fait l’objet de mesures exceptionnelles. Les démarches administratives ont été simplifiées. Les délais de préavis et d’attente pour pouvoir bénéficier du chômage partiel ont été supprimés. La durée pendant laquelle une réduction de l’horaire de travail peut être autorisée est prolongée, passant de trois à six mois. Le droit de demander des indemnités a été étendu à des catégories de salariés en principe exclues du champ d’application. À titre d’exemple, les personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur bénéficient désormais d’une indemnisation forfaitaire de CHF 3’320 par mois pour un poste à plein temps. Pour les autres salariés éligibles, les indemnités versées représentent 80% de la perte de gain (plafonnée à CHF 12’350 par mois) due à la réduction de l’horaire de travail.
2. Allocations pour perte de gain
Le Conseil Fédéral a décidé d’allouer aux indépendants des indemnités pour perte de gain à deux conditions : (i) ils doivent subir une perte de gain en raison d’une mesure prise par le Conseil Fédéral en vue de lutter contre le coronavirus (fermeture d’un établissement public, fermeture des écoles ou mode de garde rendu impossible les obligeant à garder leurs enfants de moins de 12 ans ou mise en quarantaine ordonnée par un médecin) et (ii) ils ne doivent percevoir aucune autre indemnisation. Il existe un délai de carence de trois jours lorsque l’indemnité est sollicitée en raison de la garde d’enfants. Les allocations sont versées sous forme d’indemnités journalières correspondant à 80% de la perte de gain et plafonnées à CHF 196 par jour. La durée maximum d’indemnisation diffère suivant que la perte de gain est due à la quarantaine (10 jours) ou à la garde d’enfants (30 jours). Dans le cas d’une fermeture d’entreprise, le droit prendra fin lorsque les mesures destinées à lutter contre le coronavirus seront levées.
Le Conseil Fédéral a demandé le 1er avril 2020 à l’administration et au SECO de définir des solutions pour les indépendants qui ne peuvent pas demander des allocations pour perte de gain.
3. Report du paiement des cotisations sociales
Le paiement des cotisations sociales (AVS, AI, APG, AC) peut être, temporairement et sans intérêt, reporté pour les entreprises et les indépendants en difficultés financières en raison de la pandémie de coronavirus. Le montant habituel des acomptes versés pour ces cotisations peut également être adapté en cas de baisse significative de la masse salariale. Chaque caisse de compensation AVS est chargée d’examiner les demandes de ses affiliés.
4. Recours aux réserves de cotisations d’employeur
Les employeurs peuvent recourir aux réserves de cotisations d’employeur qu’ils ont constituées en matière de prévoyance professionnelle (LPP) pour payer les cotisations LPP des salariés, afin de leur permettre de faire face au manque de liquidités.
III. En droit fiscal
1. Renonciation temporaire aux intérêts
Du 20 mars au 31 décembre 2020, la Confédération renonce à prélever un intérêt moratoire lorsque le contribuable s’acquitte avec retard de certains impôts (TVA et impôts à la consommation spéciaux), de taxes d’incitation ou de droits de douane, à l’exclusion de l’impôt anticipé et des droits de timbre qui ne sont pas concernés par cette mesure.
Du 1er mars au 31 décembre 2020, aucun intérêt moratoire n’est dû en cas de paiement tardif de l’impôt fédéral direct. Cette mesure concerne toute créance fiscale (à l’exclusion des amendes et des frais) des personnes physiques ou morales qui viendrait à échéance pendant cette période, quelle que soit la période fiscale concernée.
Diverses mesures similaires ont été prises au niveau cantonal. Dans le canton de Genève, les intérêts compensatoires négatifs et moratoires en faveur de l’Etat sont suspendus pour tous les impôts périodiques cantonaux et communaux des personnes physiques et morales entre le 24 mars et le 31 décembre 2020, quelle que soit l’année fiscale considérée. Sont notamment concernés les intérêts moratoires dus sur les acomptes de la période fiscale 2020 payés en retard ou impayés.
2. Octroi d’un délai supplémentaire pour le dépôt des déclarations
Dans le canton de Genève, les délais de dépôt des déclarations pour les contribuables ordinaires, les indépendants et les personnes morales ainsi que de la demande de rectification de l’impôt à la source sont reportés au 31 mai 2020. Si un report du délai avait déjà été accordé, il est toujours valable et les frais sont supprimés.
3. Adaptation des acomptes provisionnels 2020
En cas de baisse significative du chiffre d’affaires ou du revenu, l’administration fiscale du canton de Genève permet aux personnes physiques et morales d’adapter le montant de leurs acomptes provisionnels 2020 sans aucune formalité, c’est-à-dire sans leur faire parvenir la demande de changement. En effet, aucun intérêt moratoire ne sera prélevé et aucun rappel de paiement ne sera adressé aux contribuables en lien avec ces acomptes provisionnels.
4. Application souple de certaines dispositions du droit fédéral
Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, l’administration fiscale fédérale a indiqué qu’elle appliquerait avec plus de souplesse les dispositions de droit fédéral relatives aux facilités de paiement et à la restitution d’un délai de réclamation.